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Ecole Michel Servet côté rue et côté tunnel  ——- Photos Kémal Mokrani – A2L 

Selon les archives municipales de Lyon, cette école primaire a été construite entre 1895 et 1898 et a remplacé le « groupe scolaire de la place des Pénitents de la Croix ». Elle porte maintenant le nom de Michel Servet, théologien, médecin précurseur dans l’étude du système de la circulation sanguine et condamné au bûcher pour hérésie. L’école a été construite entre 1895 et 1898, elle est située du 2 au 6 rue Alsace-Lorraine à Lyon 1er. C’est tout près de la Place Chazette, de la sortie du tunnel de la Croix-Rousse et de l’axe Nord-Sud à 2×3 voies, au bout du Cours d’Herbouville et au début du quai André Lassagne. C’est aussi au cœur de quartiers populaires du bas des Pentes de la Croix-Rousse côté Croix-Paquet.

Les effectifs

L’école maternelle reçoit 163 élèves et l’école élémentaire 241, soit un total de 404, ce qui en fait un groupe scolaire de proximité important. On compte une vingtaine d’enseignants auxquels il faut ajouter tout le personnel de service, en particulier pour la maternelle.

Pourquoi c’est un point noir pour la pollution de l’air

Tout d’abord, ce secteur est une « rue canyon » d’où la pollution a du mal à se disperser car l’aérologie à cet endroit ne fait pas bénéficier des vents dominants venus du nord ou du sud comme dans la majorité de l’agglomération lyonnaise. Ensuite, la proximité des axes de grande circulation et de la sortie du tunnel de la Croix-Rousse amène une grande quantité de polluants typiques du trafic routier : les particules fines PM10 et les oxydes d’azote.

Ce que montrent les mesures permanentes

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Ecole Michel Servet cour de récréation et station de mesures Atmo Au-RA — Photos Kémal Mokrani – A2L

Depuis le 17/09/2009, une station de mesures d’Atmo Au-RA appelée « Lyon -Tunnel Croix-Rousse – Sortie Rhône » est installée dans la cour de l’école. C’est une station permanente de type trafic qui fournit toutes les heures la valeur des NOx et des particules fines en µg/m3 conformément à la réglementation de l’Union Européenne. Si on considère l’évolution des moyennes annuelles entre 2011 et 2018, on constate une diminution progressive des particules fines mais pas d’amélioration suffisante pour le dioxyde d’azote qui reste toujours au-dessus de la valeur maximum fixée par l’Union Européenne qui est de 40 µg/m3 (ligne pointillée rouge sur le graphique). De plus, même si le taux de particules PM10 est passé au-dessous de la valeur limite UE, elle reste très au-dessus de la valeur recommandée par l’OMS qui est 20 µg/m3 en moyenne annuelle (ligne pointillée verte). —- cliquez sur le graphique pour l’agrandir —–

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Enfin, pour la moyenne journalière, l’UE fixe à 35 jours par an de dépassement au-dessus de 50 µg/m3. Entre 2010 et 2014, les élèves et le personnel de l’école ont été exposés à des dépassements de cette limite entre 41 et 75 jours par an.

Les actions menées par le collectif des parents d’élèves de l’école depuis 2014

Devant le peu de réponses satisfaisantes apportées par la Ville de Lyon, le collectif des parents élus a décidé de passer à l’action de manière plus offensive en s’appuyant sur les médias (journaux locaux, FR3, TLM). Le principe était d’appeler les parents accompagnés de leurs enfants, des personnels et des habitants voisins de l’école (Place Chazette, rue Alsace-Lorraine) à une déambulation partant de la Place Chazette et se terminant à l’Hôtel de Ville par une demande de rencontre avec les autorités (Ville de Lyon et Grand Lyon). La première manifestation d’envergure a eu lieu le 13 février 2014 et a rassemblé plus de 300 personnes. Le reportage diffusé sur France 3 aux actualités régionales le soir même a fait prendre conscience à nos élus que le problème ne pouvait plus être passé sous silence. La campagne des municipales de 2014 étant en route, des candidats ont fait des propositions pour améliorer la qualité de l’air autour de l’école. Concrètement, cette manifestation a décidé le Grand Lyon (La Métropole maintenant) à commander à Air Rhône-Alpes (Atmo Auvergne Rhône-Alpes maintenant) une étude en profondeur sur la qualité de l’air extérieur et intérieur de l’école Michel Servet et de l’école des Entrepôts presque symétrique, à la sortie du tunnel côté Saône.

La situation n’ayant que peu progressé, le collectif des parents a organisé une seconde manifestation le 31 août 2016. Une centaine de personnes y ont participé, considérant que les actions menées par la municipalité étaient trop insuffisantes et ne constituaient que des « mesurettes » cosmétiques telles que déménager deux classes côté jardin, installer une ventilation pour acheminer l’air frais du jardin dans le gymnase et condamner la cour située contre le tunnel. Une délégation composée du directeur de l’école et de parents a été reçue par deux chargés de mission de l’adjointe aux affaires scolaires. Deux ans après, le collectif s’est aperçu que les chiffres du dioxyde d’azote étaient en hausse rapide et continue depuis 2015 et mettaient les abords de l’école à la première place métropolitaine en termes de pollution, dépassant le boulevard périphérique et l’autoroute A7 à La Mulatière.

Aucune action concrète n’ayant été menée par la municipalité pour s’attaquer aux causes de la pollution de l’air extérieur, les parents et les habitants du secteur ont organisé une troisième manifestation devant l’Hôtel de Ville le 30 août 2018 à la veille de la rentrée scolaire. Les représentants du collectif ont été reçus par une personne du cabinet du maire et un rendez-vous avec la Métropole a été promis sous huit jours.

Les études et les mesures spécifiques réalisées par Air Rhône-Alpes

La commission pour la qualité de l’air inter-conseils de quartier de Lyon 4ème et 1er a, dès sa création en février 2013, demandé à la Ville de Lyon qu’il soit procédé à une campagne de mesures de la qualité de l’air extérieur et intérieur étendue à un périmètre plus large, à savoir aux abords des deux extrémités du tunnel et sur le Plateau de la Croix-Rousse. Cette demande avait été catégoriquement refusée par le Grand Lyon en 2012 et c’est la manifestation organisée par le collectif des parents le 13 février 2015 qui a fait revenir le Grand Lyon sur sa position. La communauté urbaine a donc commandé à Air Rhône-Alpes l’étude souhaitée par les parents et les habitants, pour une somme d’environ 180 000 euros.

Un premier retour a été fait aux parents d’élèves le 18 mai 2015 et a présenté les premiers enseignements de cette campagne réalisée entre juin et décembre 2014. Le dossier est consultable ici : pour voir le détail

En substance, l’étude fournit les résultats suivants :

  • À l’Intérieur : les niveaux mesurés sont équivalents à ceux observés pour des habitations à plus de 100m de la route.
  • À l’extérieur : les cours haut et bas sont en-dessous des valeurs limites, la cour coté tunnel présente des dépassements confirmés, il y a un faible transfert du NO2 de l’extérieur vers l’intérieur (- 45%).
  • Pour les PM10 : les valeurs de PM10 sont plus élevées à l’intérieur qu’en extérieur et il y a peu de corrélation avec les niveaux en extérieur. L’hypothèse serait la remise en suspension des poussières pendant les heures d’activités dans les classes.
  • Un confinement important est confirmé en classe de CP et CE1/CE2 (valeur de 4 sur un maximum de 5). L’enquête sur la classe CP relève qu’il n’y a pas d’ouverture de fenêtre. La maternelle est moins confinée mais il faut agir sur la source des polluants mesurés.

Les pistes de solutions préconisées par Air Rhône-Alpes à ce stade de l’étude sont :

  • la condamnation cour « haute » côté tunnel,
  • une aération des classes plus régulière,
  • le balayage humide pour les PM10,
  • la mise en place d’un suivi des actions (mesures périodiques) pour en évaluer les effets.

Les résultats de l’étude complète publiés en décembre 2016 vont un peu plus loin dans les préconisations. Le dossier final est accessible sur le site d’Atmo Auvergne Rhône-Alpes, c’est ici

En plus des actions en grande partie palliatives déjà proposées en 2015, Air Rhône-Alpes précise : « Les résultats de cette étude montrent donc que les solutions visant à diminuer les concentrations en air en ambiant et l’exposition des personnes fréquentant l’école Michel Servet et riveraines impliquent la mise en œuvre de mesures ciblées et locales très ambitieuses. Elles devront être absolument accompagnées d’actions plus globales, à l’échelle d’un périmètre urbain élargi. »

Les actions de la Mairie du 1er arrondissement

L’organisation municipale issue de la loi PLM fait que les mairies d’arrondissement ont peu de moyens propres pour résoudre les problèmes de cette école mais les élus du 1er se sont très vite mobilisés pour faire des propositions et des demandes au Maire de Lyon et au Président de la Métropole.

Nathalie Perrin-Gilbert, maire de l’arrondissement, a toujours été présente aux côtés des parents d’élèves pour leur apporter son soutien à leurs manifestations. Lors du Conseil Municipal du 26 septembre 2015, elle a interpellé Thierry Philip, vice-président du Grand Lyon, pour lui demander d’agir de manière plus radicale pour diminuer la pollution dans l’école et le quartier. L’élu métropolitain a rappelé les mesures déjà prises suite au rapport d’Air Rhône-Alpes présenté aux parents d’élèves le 18 juin 2015 mais il évacue régulièrement les solutions consistant à diminuer la densité de circulation sur les axes routiers voisins.

Les actions de la Ville de Lyon et de La Métropole

La Ville de Lyon ayant la responsabilité des locaux des écoles primaires, elle a pris un certain nombre de décisions en réponse aux préconisations d’Air Rhône-Alpes de juin 2015 :

  • la cour haute de l’école a été fermée pendant les récréations,
  • une aération des classes plus régulière a été mise en place,
  • le balayage humide est systématiquement pratiqué, en particulier dans les locaux de la maternelle qui sont les plus exposés aux PM10.
  • pendant l’été 2016, pour un budget de 50 000 euros, la Ville a fait installer une ventilation permettant d’acheminer l’air du jardin dans le gymnase, bâtiment le plus pollué de l’école, et deux salles de classe ont déménagé du côté le moins pollué du site.

Pour ce qui concerne les mesures périodiques, une opération a été menée au printemps 2018 à la demande de la Direction de l’Écologie Urbaine mais aucun document officiel n’a été diffusé. La prise d’air de la ventilation du gymnase a dû être déplacée car elle se trouvait à un endroit pas suffisamment sain. De nouvelles mesures ont été effectuées pendant 8 jours dans le gymnase avant les vacances d’automne 2018 mais les résultats n’ont pas encore été publiés.

Ce que stipule le Plan de Protection de l’Atmosphère

Le PPA établi en 2014 par la Préfecture pour l’agglomération de Lyon identifie précisément une liste d’actions réparties comme suit :

  • 6 actions dans le secteur industriel,
  • 7 actions dans le secteur du résidentiel bâtiment,
  • 3 actions dans le secteur des transports,
  • 2 actions pour prendre en compte la qualité de l’air dans l’urbanisation (SCOT, PLU) et pour inclure une carte de la qualité de l’air dans les « porter à connaissance »,
  • 1 action de traitement des points noirs de la qualité de l’air.

Ce que nous proposons

Rappelons qu’il y a urgence à agir car ce secteur est une des zones géographiques pour lesquelles l’Union Européenne a renvoyé la France vers la Cour de Justice Européenne en mai 2018.

Concernant les sujets qui relèvent plus de la compétence de La Métropole (voirie, PDU, transports en commun, modes de déplacement), il nous apparaît indispensable de s’attaquer à la source des émissions ce qui n’a pas fait encore l’objet de solutions spécifiques à ce quartier, le Plan Oxygène ne répondant que très partiellement car trop généraliste et, jusqu’à ce jour, pas assez ambitieux.

Des propositions ont été faites par des élus de la Ville et de la Métropole, par le collectif de parents d’élèves et par notre association L’Air des Lyonnaises et des Lyonnais : travailler sur les plans de circulation, disposer de comptages précis et permanents, réduire à 2×2 voies le quai André Lassagne pendant une période expérimentale de 6 mois, réduire le débit du tunnel routier (il contribue pour 25% à la production de dioxyde d’azote selon Atmo Auvergne Rhône-Alpes).

Il y a même eu une solution radicale évoquée par Air Rhône-Alpes en 2016, c’était de fermer carrément l’école mais cet aveu d’impuissance ne peut pas être accepté s’agissant d’une école primaire donc de proximité dans un quartier populaire en bas des pentes de la Croix-Rousse. L’école a 120 ans d’existence, le tunnel est arrivé bien après et, de plus, la fermer n’améliorerait pas la qualité de l’air aux deux extrémités du tunnel, ni sur les quais du Rhône rive droite et les quais de Saône sur les deux rives.